Il y a, dans l’écriture, de même que je suppose dans toute autre activité créative, un versant angoissant. Comme ces rêves où l’on court après une forme aux contours incertains, sans jamais parvenir à l’atteindre vraiment, on doit se contenter de l’impression grisante – mais toujours fugitive – de toucher du doigt l’objectif que l’on s’est fixé pour finalement le regarder s’enfuir en riant, jusqu’à ne plus former qu’un point au loin, perdu dans l’horizon. C’est ainsi que j’écris, perpétuellement exaltée et déçue.
Je m’implique beaucoup moins, je dois dire, dans la photo qui n’est qu’un passe temps amusant, un terrain de jeu où la forme vaut bien plus que le fond. Je pourrais certainement, en photo, me contenter de prendre à l’infini les mêmes flous faciles, pourvu que les couleurs flattent la rétine, et m’en satisfaire pleinement. C’est confortable aussi, dans une discipline donnée, de n’avoir aucune exigence envers soi-même, autre qu’une insatiable curiosité. Même si, de ce fait, je ne ressens jamais rien pour mes photos. Je les trouve quelquefois jolies, ça ne va jamais plus loin, et c’est très bien comme ça.
C’est donc avec la plus grande surprise que je ne cesse de me passer en boucle depuis deux jours cette séquence vidéo, mal cadrée, floue, approximative et totalement dénuée de sens ; filmé en deux secondes à la va-vite et sur laquelle j’ai maladroitement collé les premières notes d’une étude de Chopin que j’adore (la neuvième, en fa mineur, ici jouée par G. Cziffa). Inexplicablement, je l’aime.
Je veux dire, je l’aime comme si je n’en étais pas l’auteur : habituellement, on est toujours un peu parasité par le souvenir que l’on garde du moment où l’on prend ses photos, du hors cadre, du froid qui faisait ce jour-là, la difficulté qu’on a eu pour telle prise de vue, les contraintes techniques… Généralement, en surimpression de chacune de mes photos, je vois ces moments-là, qui modifient forcément mon regard.
Là non. J’ai le regard tout neuf. Je ne sais même pas ce qui me séduit, au juste, dans ces 16 secondes d’image mouvante. Probablement, surtout, les notes de Chopin, en vérité. Mais c’est très doux, aussi, pour la toute première fois, de ressentir un peu de satisfaction véritable pour ce que mon œil, douillettement planqué derrière un objectif, a attrapé au vol…
19 réflexions sur “Satisfaction”
C’est très beau. Tendre, doux, enfantin.
Derrière ces belles notes de Chopin, j’entendrai presque les rires d’un enfant ….
Mel
« C’est ainsi que j’écris, perpétuellement exaltée et déçue. »
Je trouve cette phrase tellement vraie …
Ah mince je ne peux pas voir la vidéo depuis le travail! Je regarderai ça ce soir en rentrant :rit
Surprenante et magique ta vidéo.
Beau et presque douloureux ton texte.
Merci beaucoup… une fois de plus ;)
Bonne journée la tête dans les bulles
Anne
C’est vrai que c’est très poétique ! La musique colle tout à fait bien à cette valse de bulle à la fois joyeuse et un peu nostalgique.
Ah ! La création… on pourrait en écrire des kilomètres… Je rejoins Miss Brownie pour affirmer que ce que tu en dis est vraiment proche de la réalité : le plaisir créatif est à mi-chemin entre l’acte et le résultat, toujours imprévisible; jamais gagné d’avance…
C’est sans doute pour cela qu’il est si précieux et si exaltant. sourit
c’est très joli ce que tu écris, c’est vrai que souvent, lorsque l’on fait quelquechose soi-même, on ne peut plus le voir objectivement…
la musique de ton petit film s’accorde parfaitement avec les images, les bulles s’envolent au gré des notes… avec quoi filmes-tu d’ailleurs?
Et le texte et la vidéo sont très beaux. Tu mets très bien des mots sur un sentiment si fréquent et si étrange dans son ambiguité.
Merci pour cet instant de poésie!!
C’est juste magique et superbe comme à chaque fois, et ton texte est tellement vrai tu sais mettre des mots sur des sentiments si complexe à expliquer.
Merci pour ce petit moment de poésie, de magie! surtout par cette grisaille.
ta vidéo est vraiment chouette !
je vais craaaaaaquer….. attention !
Dommage que je n’ai pas le son ici… c’est très joli àregarder en tout cas. Et merci pour ce texte qui me parle beaucoup :)
Je crois qu’écrire est difficile en partie parce que les mots portent la lourde responsabilité de devoir exprimer précisément ce que l’on ressent alors que les photos permettent plus de liberté et d’imagination …
Ce qui est drôle, c’est qu’à chaque fois que je viens sur ce blog, tu exprimes exactement ce que j’aurais aimé dire ou écrire à un instant de ma vie, et j’adorerais pouvoir écrire comme tu le fais Anne-So!!!
En tout cas, merci pour toutes ces belles images et ces magnifiques textes, qui personnellement, me laisse rêveuse … sourit
Onirisme et douceur des courbes toutes irisées capturés par ton objectif.Joli et subtil.
Sonja
http://uneideecommeca.com/2009/12/baby-star/
Très joli, très poétique.
Très jolie vidéo, poétique et tendre.Tu as vraiment de quoi être satisfaite.
C’est très cliché, mais oué ça fait du bien parfois de juste de se faire du bien aux yeux. Comme une souvenir d’enfance…
Très beau texte, comme à chaque fois… Merci de trouver des mots si justes.
C’est incroyable! On dirait que tu as mis en ligne un souvenir, un de mes souvenirs, c’est juste parfait, ça prend à la gorge tellement c’est émouvant. Bon aujourd’hui je suis vraiment sensible certes, mais bravo à toi.
comme toi je ne sais pas…si ce sot les notes ou les bulles et leurs danses…sans doute l’association de deux: bravo ! c’est grisant
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