J’ai pris cette photo dimanche matin, rue de la Butte aux cailles. Je devais être mal réveillée car il m’a fallu un petit moment avant de réaliser que l’arbre, à la fenêtre, n’était que le reflet de celui qui se trouvait à côté de moi, sur le trottoir d’en face. Mais en fait, c’était bien comme ça : pendant quelques secondes, j’ai entrevu un drôle de monde où chacun accorderait toute une pièce de sa maison à un arbre.
Chaque foyer aurait le sien. On dînerait sous son feuillage en été et on y accrocherait une balançoire pour rêvasser des heures entières. À Noël, c’est lui que l’on décorerait pour préparer la fête et en automne, on pourrait faire l’amour sur un tapis de feuille mortes, sans s’inquiéter des araignées. Quand il serait mal taillé, on ne pourrait plus fermer les portes, ni les fenêtres et les chats adoreraient y installer leur perchoir. Des oiseaux viendraient nous rendre visite de temps en temps et le dimanche matin, on installerait des couvertures autour du tronc pour faire des petits-déjeuner pique nique en pyjama tout en regardant un bon film. On lui accrocherait des guirlandes lumineuses pour faire comme si on vivait à ciel ouvert et de temps en temps, les soirs de pleine lune, on s’inventerait des sabbats pour le plaisir de danser nues sous les étoiles. Quelquefois aussi, on aimerait s’installer contre lui pour se plonger dans un bon livre…
Bref, on verrait moins souvent la lumière du jour, mais ça ferait quand même pas mal de soleil dans la vie.