L’année dernière, je me souviens avoir été marquée par cette remarque d’une de mes amies, à mon propos : « Alors toi, tu as vraiment une poisse pas possible ! »
Moi? Une poisse? Jamais de la vie! J’étais à la fois fâchée et vexée que l’on puisse me dire une chose pareille. M’étant toujours considérée moi-même comme une incroyable chanceuse – je dirais même insolemment chanceuse – comme c’était étrange de me trouver soudain face à une vision si radicalement différente. Aussi, cette phrase, somme toute très anodine, n’a pas cessé de me tarauder pendant des mois : la chance m’aurait-elle abandonnée depuis tout ce temps, résolue à faire profiter d’autres que moi de ses innombrables largesses (les événements, de plus, me poussaient alors à envisager sérieusement cette possibilité)? Pourquoi, dans ce cas, ne remarquais-je pas sa désertion? Avais-je tendance à communiquer autre chose que ce que je ressentais réellement? Et dans ce cas, pour quelle obscure raison jouais-je à ce jeu un tantinet pernicieux?
Si mon amie avait soupçonné un instant dans quels tourment ces quelques mots allaient me plonger, elle aurait probablement évité ce sujet.
Objectivement, la chance s’est toujours montrée généreuse avec moi, y compris dans les mauvais moments (car elle parvient encore, dans ces cas-là, à mettre sur mon chemin les ressources les plus inattendues pour me permettre d’avancer). Chaque fois que je me suis amusée à me jeter dans le vide pour voir ce qui allait se passer, elle a fait parachute. En effet, j’ose même la provoquer parfois. C’est dire si je compte sur elle.
Pourtant, je la contemple aussi avec effroi, pétrifiée à l’idée qu’elle ne m’abandonne. Pire encore, je crains, par une sorte de superstition enfantine qu’elle ne me lâche à l’instant même où je la considèrerai comme acquise. Exactement comme ceux qui ne peuvent s’empêcher de voir un mauvais présage dans l’acte de mariage.
Mais alors comment se pouvait-il que moi, personne dotée d’une chance extraordinaire, je puisse passer ne serait-ce qu’un instant pour une vraie malchanceuse? Après des mois de réflexion, j’en suis venue à considérer deux choses :
Un, je la minimise toujours. En fait, je n’en parle presque jamais. Parce que je me sens privilégiée, peut-être même trop privilégiée. J’ai peur de l’étaler comme d’autres leurs richesses et que pour cet excès d’orgueil, elle ne me laisse en plan. Peur, aussi, d’avoir trop exigé de sa personne et qu’elle finisse par me juger indigne de sa bonté. Voilà pour la partie mystique. Mais ce n’est pas, en réalité, ma plus grande découverte.
Car deux, je me suis rendue compte également que je percevais tout ce qui arrivait comme une opportunité. Une chose agréable se produit? Quelle chance ! Une autre, plus pénible, survient dans ma vie? Quelle est donc la raison, forcément passionnante, qui conduit la chance à me mettre face à cette épreuve? Quelle nouvelle force cherche-t-elle à me faire acquérir? Quelles surprises étonnantes, peut-être merveilleuses, se produiront une fois que j’aurais compris la leçon qu’elle désire m’apprendre? En clair : une difficulté ne m’apparaît jamais que comme l’emballage – quelquefois difficile à ôter – d’un cadeau que la chance chercherait à m’offrir. Et, même si cela n’empêche pas les moments de doute, de découragement, de colère et j’en passe, il y a toujours ce petit fond de conviction : tout ce qui arrive est nécessairement une bonne chose. Une part de moi en est totalement convaincue. La part, heureusement, qui ressurgit toujours.
Il m’est donc apparu que tout cela n’était peut-être, après tout, qu’une façon de voir. Un état d’esprit et rien d’autre. La chose la plus démocratique qui soit, accessible à tout le monde. Je ne devais pas craindre de la partager, la trahir ou la malmener : peut-être était-elle seulement en moi, d’une certaine façon créée par moi.
Mais il faut surtout que je vous dise aussi ceci : ça toujours marché pour moi. TOUJOURS. Une épreuve (plus ou moins longue, plus ou moins difficile) et ensuite quelque chose qui survient, meilleur que tout ce que j’avais pu imaginer. Alors en effet, ce n’est peut-être pas tant que ça, juste un état d’esprit qui fait du bien. Mais je crois en vérité qu’au contraire il change tout.
24 réflexions sur “Une chance extraordinaire”
« tout ce qui arrive est nécessairement une bonne chose ».
c’est exactement un dicton russe que j’applique dans ma vie : tout ce qui se passe, se passe pour le meilleur!
Merci pour tes réflexions qui me remettent la pendule intérieure à l’heure!
Exactement ce que j’avais besoin de lire à ce moment précis, merci pour ça !
Je suis bien d’accord avec toi et vois la chance comme une petite étoile qui me guette du ciel sans m’assister au jour le jour mais ne me laissant jamais tomber ;)
Et les coups durs de la vie nous font effectivement très souvent découvrir la beauté et la chance des autres instants … Merci pour cette belle réflexion du jour, passe une belle journée.
Camille
Tu ne seras pas vraiment étonnée, je pense, si je te dis que mon état d’esprit est le même ? Des bises.
J’ai la chance d’avoir des gens comme toi dans mes proches, qui ont cette façon de voir la vie. Et cela fait un bien fou, jour après jour. Tu es une jolie personne, cela se voit tant à travers ton blog !
Bonne semaine,
Nathalie
Superbe article!
On en parlait avant-hier avec quelqu’un qui ne voit que ces fameux « verres à moitié vides » ; elle se demandait si c’était une nature, d’être heureux ou malheureux.
Je n’ai pas la réponse, mais je pense que l’argument de la nature est un peu facile. Il évite que l’on s’interroge sur son rapport au bonheur ; on a plus, ainsi, à se demander ce que l’on veut vraiment, ce qui nous rendrait heureux et que l’on a jamais osé.
Je sais juste que lorsqu’on décide d’être heureux, et de mériter sa chance, les choses paraissent différentes. Et que ce n’est pas de la force – rien qu’un peu de courage.
Ca m’a rappelé ce que j’avais écrit le 31 décembre de l’année dernière. Je laisse ce texte-là, peut-être exprime-t-il mieux ce que j’ai en tête : http://www.mizzenmast.fr/2012/12/on-ne-va-pas-squitter-comme-ca/
Être heureux & mériter sa chance, éviter de culpabiliser, ne pas hésiter à se mettre en danger, ça demande déjà de se connaître un peu mieux, et ça, c’est difficile. Mais c’est une clé, peut-être…
Tout est une question d’état d’esprit :). A défaut de me dire « chanceuse », de mon côté j’ai tendance à me dire que je suis tout de même née sous une bonne étoile, assez confiante dans le destin finalement et ce qu’on peut en faire !
Ça n’empêche pas les moments « moches » mais quoi qu’il arrive : puisqu’on ne peut rien y faire parfois, autant l’accepter et s’efforcer de chercher les bonnes choses qui suivent…
« je me suis rendue compte également que je percevais tout ce qui arrivait comme une opportunité »
Voilà.
Merci d’avoir mis des mots là dessus…
Quel beau billet ! Cela fait du bien de lire vos mots, si bien choisis. Merci !
J’ai exactement la même vision des choses que toi.
Je pense que c’est un état d’esprit, toujours voir le bon côté des choses, du coup je sourie à tout, même lors de coups dur, mon optimisme refait rapidement surface. C’est ma manière de voir les choses et de ne pas me faire submerger par la tristesse et la malchance. Alors la chance, je la provoque aussi souvent que possible. Actuellement, nous sommes en grande crise de part le monde, certes, mais je garde la tête haute et le sourire. QUe puis-je y faire ? Rien, à part garder mon cap et aller de l’avant coute que coute, avec le sourire comme gouvernail et la bonne humeur comme direction.
J’ai exactement la même conviction que toi pour l’avoir vécu déjà quelques fois. Aussi dure l’épreuve soit-elle, il est toujours un jour où cela ça va mieux car on ne sait jamais ce que demain va nous offrir. Comme toi, j’essaie d’accueillir la vie comme un cadeau et chacune de ses épreuves comme la meilleure chose qui pouvait m’arriver. Une occasion de grandir et de rectifier la trajectoire.
Très bel article,
Bises
Etant actuellement dans un challenge « 21 jours sans râler » je ne peux qu’être d’accord avec toi. La chance, ça se cultive, comme le bonheur.
Dans le fameux livre J’arrête de râler, que je viens de terminer, elle dit « le bonheur, c’est comme un jardin. si on plante des graines de carottes… il y a de forte chance que ce qui pousse ce soit des carottes ».
Autrement dit, les chiens ne font pas les chats.
Et puis il y a cette jolie fable du fermier et du cheval « chance ? pas de chance ? qui sait…. »
Merci pour cet article. Si joli, si vrai
(PS: j’ai trouvé ton livre Pénélope B sur une brocante, il a fait partie de mes derniers bonheurs. Je l’ai dévoré. J’ai souris à toutes les pages et c’est con, mais il m’a permis de répondre à certaines questions que je me posais. bravo toi !)
Un très joli billet… Tu n’es peut-être effectivement pas plus chanceuse qu’une autre, tu arrives peut-être juste à profiter de toutes les jolies choses que la vie pose sur ton chemin ! Un billet qui remet les choses à leur place et qui incite juste à profiter du bonheur qui est à notre portée !
Finalement, tu vois le verre à moitié plein et pas à moitié vide ! C’est un bel état d’esprit :)
Pour avoir fait ta connaissance il y a deja qq années autour d’une chouette collaboration, j’ai toujours trouvé que tu dégageais une grande sérénité doublée d’une belle poésie.
Je pense aborder la vie un peu comme toi et dans les moments difficiles, je me dis que ce qui ne tue pas rend plus fort. Partant de là? On avance plus vite dans la vie, on se regarde moins le nombril.
Bref, ne change rien, cela te réussit si bien.
Pendant des années, j’ai considéré que j’avais la poisse, je ne comprenais pas pourquoi j’avais autant de tuiles. D’ailleurs, j’ai longtemps eu le surnom de « Joe La Poisse ».
Et puis, depuis quelques temps, je change d’état d’esprit. Peut être que le travail que je fais sur moi-même porte ses fruits, toujours est-il que j’ai de plus en plus tendance à me focaliser sur le positif, à voir le bon côté de chaque chose.
Ma psy m’a dit une fois « tout revers a sa médaille ». Je n’ai pas oublié et je cherche les médailles partout !
Bonne journée !
Moi aussi je crois en ma chance, j’ai 52 ans, on pourrait penser que la vie ne m’a pas épargné…et pourtant j’ai TOUJOURS eu une main tendue pour m’aider à traverser le brouillard….peut-être faut il être attentive et pouvoir la saisir.
La vie est perfection et rien n’arrive par hasard….pour moi c’est une certitude!
Je suis totalement d’accord avec toi, tout ce qui nous arrive, bon ou mauvais, est une opportunité. Une opportunité, d’apprendre, de grandir, d’en savoir plus sur soi même. Pour moi il y a du positif à retenir dans tout. Et je suis également persuadée que par notre attitude on se créée ou non sa propre chance, en allant justement à la rencontre des opportunités
Je suis cette fille à qui beaucoup disent « Dis donc, t’en as de la chance! »
Sauf que la chance, je vais la chercher, je la provoque, je la pousse dans ces derniers retranchements…
Et même quand certaines situations me conviennent moins, je les considère comme des étapes parce que je sais que du mieux m’attend après…
De là à se dire que c’est une manière de percevoir la vie, j’aurais tendance à dire que oui, je suis une indécrottable optimiste :)
je suis tout a fait d’accoooooord avec toi!!
bon sauf evenement vraiment tragique, je trouve qu’estimer etre chanceux ou poissard c’est avant tout une maniere de voir les choses!
moi aussi dans les moments difficiles, je me trouvais toujours chanceuse d’etre bien entourée, d’avoir des amis etc… et je me trouvais d’autant plus « chanceuse » de pouvoir profiter de tout ça ensuite
alors qu’une autre personne n’aurait gardé que le negatif..
j’en ai parlé justement la semaine derniere a ma mere: elle me disait qu’elle avait une collegue qui avait tout le temps avec le temps de ses vacances (bon certes sujet pas super primordial ;o) )
je lui disais justement que c’etait peut etre parce qu’elle ne parlait que des journées ou elle avait eu du beau temps et occultait le reste…
bref c’est peut etre une methode coué mais en tous cas je prefere voir la vie dans ce sens!
alors continues!
Comme tu dis, c’est un état d’esprit : nous vivons dans un monde de possibilités où les opportunités ne manquent pas.
Parfois, effectivement, il est nécessaire de passer par des épreuves difficiles car ce sont celles-là qui nous permettent d’évoluer.
Quant à la manière dont la chance se produit, celle-ci est pour le moins toujours surprenante… :)
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