Hier, à la plage. Cette petite colonie de goélands installée tranquillement sur le sable, trait blanc entre deux franges de foule humaine.
Bien sûr, je sais faire s’envoler les goélands, tout le monde le sait : choisir son angle pour imprimer à leur vol une direction idéale, s’approcher calmement en regardant ailleurs, pour faire naître une fébrilité dans le groupe sans créer la panique – car ce que l’on veut, c’est un envol franc, massif, un envol vif qui crée un bel effet d’ensemble ; approcher encore en faisant, par exemple, semblant de ramasser quelque chose et, seulement lorsque l’agitation est vraiment perceptible, pousser enfin son cri de guerre en roulant de grands moulinets avec les bras.
Alors commence le spectacle, bref et toujours grandiose. Les ventres argentés des oiseaux, les ailes qui prennent le vent, la grâce émouvante de ce petit ballet moins désorganisé qu’il n’y paraît. Et, quelques secondes plus tard, les oiseaux se posant sur la mer, refuge heureusement inaccessible au bipèdes que nous sommes.
Nous avons de la chance que les goélands soient des animaux trop prudents : ils ne se rendent pas compte qu’il leur suffirait de quelques coups d’ailes bien sentis ou d’un claquement de bec tout juste menaçant pour nous faire fuir à toutes jambes. Ils ne se savent pas qu’ils sont beaucoup plus forts que nous et alors ils se laissent embêter.
Ou bien, qui sait, mus par une sagesse héritée de tout temps, se plient-ils à ce petit jeu comme un grand-père patient refait mille fois le même tour de magie aux enfants, touché par leur inépuisable fascination. Et peut-être savent-ils même déjà tout de notre faiblesse : que nous sommes un peux jaloux de leurs ailes et rêvons souvent de nous envoler avec eux.
