J’avais prévu de publier autre chose, ce matin, mais finalement je vais vous parler d’eux.
Eux, ils sont trois : Caroline, Léo et Marc, embarqués sur un voilier d’une dizaine de mètres. En fait non, ils sont cinq, car on ne peut oublier Jeanne et Antoine, qui sont restés à quai, mais qui font partie intégrante de cette belle aventure. Marc, c’est mon oncle. Caroline est sa fille. Léo, l’amoureux de Caroline. Jeanne, ma tante, la femme de Marc. Antoine, leur fils ainé.
Marc, lui, n’avait pas pris la mer depuis de longues années. Cette idée : renouer avec l’océan après trente ans passés à terre, pour partir en bateau pendant un an avec sa fille, c’était une pure folie. Impensable, pour ne pas dire carrément impossible. Tellement impensable, en fait, que c’est devenu… indispensable. Alors l’obsession est devenu un projet, le projet une réalité.
Caroline et Léo étaient cuisiniers dans un grand restaurant Nantais. Un travail que je crois, ils adorent tous deux. Ils l’ont néanmoins mis de côté pour embarquer sur une coque de noix et se donner les chances de vivre quelque chose de nouveau. Avant ce jour d’octobre, ils n’avaient pour ainsi dire jamais mis le pied sur un bateau, ni l’un ni l’autre.
Il y avait mille raisons de laisser cette idée demeurer un rêve qu’on se raconte avec la drôle de nostalgie des choses qu’on n’a pas vécues. Mille « raisons raisonnables », des justifications à n’en plus finir, un chapelet de problèmes insurmontable à résoudre. Et d’ailleurs, c’est ce qui s’est passé : une dizaine de pages n’y suffirait pas pour faire le récit des difficultés rencontrées, des points d’interrogation et des changements de plan.
Pourtant ils sont partis, voilà quelques semaines. En ce moment-même, ils font route vers Essaouira après avoir quitté le port de Tanger.
Jeanne et Antoine ne font pas partie du Voyage. Mais ça ne les empêche pas de faire partie de l’Aventure : leur acte de bravoure, à eux, c’est d’avoir encouragé cette folie malgré ce qu’il leur en coûterait d’être séparés pour un temps de ceux qu’ils aiment, d’être parfois inquiets pour plein de raisons hautement valables (les conditions en mer, les avaries possibles sur le bateau…), parfois aussi sans doute un peu jaloux de se trouver seulement dans le creux de l’histoire.
Marc, Caro, Jeanne, Antoine, Léo et tant d’autres, ce sont eux mes héros. Ces héros qu’on ne voit jamais dans les pages d’un journal. Ceux qu’on ne reconnaît pas quand on les croise dans la rue, parce qu’ils sont seulement comme vous, comme moi : des gens très ordinaires. Des anonymes heureux de leur anonymat.
Héros d’une aventure particulière, mais pas de toutes les aventures. Et certainement pas des héros par nature.
Des héros comme vous d’ailleurs, peut-être, car je ne connais pas une seule personne qui n’ait sa cape, son masque et son super-pouvoir dans une circonstance ou une autre. On a tous un super-pouvoir pour quelque chose, vous ne croyez pas?
On n’a pas toujours besoin d’aller chercher très loin pour trouver, nos héros. Ils vivent parmi nous, tout contre nous. Ceux qui, par leurs décisions, leur sens de l’aventure et leur appétit de la vie nous rappellent que tout est toujours entre nos mains.
Ce matin, je pense à eux, à ces superhuman de tous les jours, discrets, quelquefois presque invisibles. À l’énergie qu’ils nous communiquent du simple fait de leurs actions. Simplement d’être ce qu’ils sont.
3 réflexions sur “Héros de la vie ordinaire”
Quel joli billet! Merci Anne-Solange, nous avons bien besoin que l’on nous rappelle que nous avons tous un super pouvoir, et qu’il n’est en effet pas nécessaire d’être dans le journal pour être un héros.
Un grand bravo à eux d’avoir osé et à leurs proches de les soutenir dans cette merveilleuse aventure :)
On est tous un peu de superhéros finalement, et on connait tous des superhéros :)
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