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L’aventurière

Florence-Arthaud

Chère Florence,

Je me souviens très distinctement de ce jour de novembre. J’avais une douzaine d’années et à la télévision – nous étions vissés devant les images – une enfant (presque), à bord d’un monstre marin qu’elle semblait dominer sans effort, venait d’arriver à Pointe-à-Pitre sous les hourras d’une foule en liesse.

Par la suite, je me rappelle vous avoir contemplée maintes fois, bout de femme arpentant les plateaux de télévision pour parler d’aventures en mer, de danger et d’exploits. Vous n’aviez rien de la figure habituelle d’un loup de mer avec votre regard d’acier, une insolente chevelure qui ne se laissait pas dompter et ces longues jambes parfois juchées sur des talons aiguilles. Vous étiez marin, femme et même chanteuse pour rire à l’occasion. Tout votre être semblait dire : « Oui, bien sûr que oui, je peux être cette femme là, et aussi celle-là et encore mille autres si ça me chante ! « .

J’entendais en secret : « Et toi aussi, Anne-Solange, tu peux être tout ça à la fois. Oui, oui, toi la petite brune installée dans ton canapé qui me regarde avec de grands yeux ronds. Ecoute-moi bien jeune fille : il n’y a pas de limites. »

Aucune autre personne publique n’a agrandi mon monde de manière aussi fracassante que cette jeune femme – vous – qui sortait du cadre avec éclat et naturel… et qui ne revendiquait pourtant pas grand chose, je crois, sinon la liberté de faire ce que vous aimiez. Sans vanité, sans aigreur ni provocation.

Du moins c’est ainsi que les choses se sont imprimées dans mon souvenir.

En vous distinguant dans la carrière qui suscitait en moi les rêves les plus fous et les moins accessibles, vous avez rendu compatibles aux yeux la petite fille que j’étais des choses qui, dans l’univers dans lequel je grandissais, ne me semblaient pas l’être. Et si je sais aujourd’hui me tenir sans difficulté à l’écart des moules dans lesquels tout concorde encore aujourd’hui à nous enfermer, vous y êtes pour beaucoup. Grâce à vous, non seulement je ne souffre pas d’être cet improbable mélange de couleurs qui ne vont pas a priori ensemble, mais je chéris la liberté que cela me procure.

Parce que vous me l’avez montré, je sais que l’horizon est infini. Et, si j’en suis parfois effrayée – prétendre le contraire serait mentir – avoir conscience de son immensité m’apparaît comme l’une de mes richesses les plus essentielles. Avec l’amour évidemment. Et la beauté.

Y plonger la tête la première, sans m’inquiéter outre mesure d’un plan de carrière, du qu’en dira t’on, ni d’aucune autre de ces idées étranges et pré-mâchées capables d’asphyxier les âmes jusqu’à faire parfois de la vie une prison, c’est ma manière d’être une aventurière.

Vous avez été la grande héroïne de mon enfance et je le découvre aujourd’hui, un symbole puissant pour ma vie toute entière. Merci Florence, de tout mon coeur de mauvais petit marin, merci. Et bon vent. Je suis sûre qu’il vous porte à nouveau vers de grandes aventures.

12 réflexions sur “L’aventurière”

  1. Belle ode à la liberté et à l’authenticité :)
    Merci pour elle, pour nous et pour l’inspiration!

Les commentaires sont fermés.

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