Il y a quelques semaines, différents représentants du corps médical semblaient s’être donnés le mot pour m’annoncer, avec moult d’arguments certainement recevables, que j’allais devoir me faire à cette idée : 3 heures de sport par semaine, c’est une obligation.
C’est ainsi que depuis quelques temps, munie d’un maillot de bain noir acheté au rabais chez Décathlon à fond la forme et d’un bonnet aussi disgracieux que vous pouvez l’imaginer, je me rends aussi souvent que mon courage le permet à un cours d’aqua gym.
Inutile de jouer le couplet du je sens que je deviens accro. Dans ma bouche ça sonne faux, même si je reconnais que barboter dans un grand bouillon de culture s’avère à la fois moins pénible et moins répugnant que l’idée que je m’en étais faite. Qui sait si un jour je n’irai pas jusqu’à dire que j’apprécie l’exercice?
Mais de toute façon, là n’est pas le plus intéressant. Non. Ce qui me motive et me fascine, lorsque je vais à la piscine, c’est ce fabuleux observatoire des comportements féminins que constitue le vestiaire des dames. Jamais je n’aurais cru que ce silencieux manège des allées et venues soit aussi riche d’enseignements.
Il y a, pour commencer, une sorte de hiérarchie naturelle qui s’instaure d’emblée parmi nous et dont je ne parviens pas à comprendre les mécanismes : il y a celles qui occupent l’espace, celles que l’on remarque alors qu’elles s’efforcent d’être les plus discrètes possibles, celles à qui l’on répond lorsqu’elles posent une question et celles dont les bonjours ne rencontrent jamais que leur écho désespérant. On croirait un peu les femmes d’un harem qui, se sachant épiées par le sultan (lequel, comme tous les sultans, les observerait derrière un soupirail) se montrent prêtes à tout pour faire valoir leurs charmes.
Je me demande bien qui on cherche à charmer en réalité, puisqu’il n’y a ni soupirail ni sultan ni aucun enjeu d’aucune sorte derrière les murs saturés de vapeur des vestiaires pour dames d’un club de sport.
Autre fait surprenant : je ne me savais pas si pudique. Déambuler nue avec l’air dégagé de celle qui ne voit pas le problème, je ne sais pas faire. Ce soudain embarras est une découverte d’autant plus amusante que je suis généralement celle qui fait plisser le nez de toutes mes amies lorsque je fais l’article des plages nudistes qui selon moi demeurent le moyen le plus sûr d’avoir la paix à la plage. Si vous voulez, je vous expliquerai un jour comment il faut s’y prendre pour aller lézarder sur les plages nudistes sans attenter à sa propre pudeur.
J’ai aussi découvert que mes standards en matière d’épilation étaient très éloignés de la réalité. La réalité étant : il n’y a pas de standard. Il n’y a d’ailleurs tellement pas de standard que mes yeux effarés n’ont pu réprimer une ou deux fois un regard qui, trop appuyé peut-être, pouvait prêter à confusion. Je présente mes plus plates excuses aux dames outragées. Et pour en finir avec le chapitre entre-jambe, je crois que je n’adhère pas du tout du tout du tout à l’esthétique « carré de moquette ».
Question cellulite, j’en ai aussi appris de belles. Enfin, de belles. Disons qu’après un examen minutieux, je trouve qu’après un certain âge la peau d’orange s’accommode drôlement mieux des dodues que des menues. Alors qu’elle fait, pour ainsi dire, partie du décor sur les premières et s’harmonise idéalement avec leurs rondeurs, elle ressemble à de vilains sacs de sable à moitié vides accrochés au cuissot des secondes. Les rondes tiennent leur revanche, songe-je chaque fois que je vois les sacs de sable blobloter de part et d’autre des fémurs de ma voisine de vestiaire pendant qu’une dame gironde et sculpturale traverse celui-ci avec une grâce de madone. Ça ne m’empêche pourtant pas d’espérer faire un jour partie des contons tiges à cellulite (sinon je ne serais pas là à me tortiller dans l’eau comme une diablesse, croyez-moi)… Soyez tranquilles, quelque chose m’échappe à moi aussi.
Enfin bien entendu, comme partout dans le monde, il y a les belles. Les quelques belles. Car franchement, on est un drôle de tas de normales je vais vous dire. Très peu de belles et très peu de moches, c’est le règne de la normalité ici.
Les belles, donc, qu’on regarde toutes par en dessous en se disant que la vie est injuste. Elles sont comme les sultanes du harem. On ne s’en rend même pas compte, mais on s’écarte toujours un peu pour les laisser passer. Celles qui ont bon cœur adressent à l’assemblée un sourire emphatique et modeste de souveraine, pendant que celles qui n’en n’ont pas jouissent ouvertement et avec un certain mépris de cette ascendance naturelle que ses congénères lui octroient sans broncher.
Et pendant ce temps là, alors que se joue l’air de rien l’éternel petit ballet des rivalités féminines je réalise que j’ai déjà effectué, sans m’en rendre compte, près de 45 minutes de gesticulations curieuses, destinés à faire de moi une sublimité de la nature. Olé.
Illustration : la photo qui illustre ce billet est une photo de Jena Ardell dont j’aime énormément le style. Vous pouvez voir son travail sur son site, mais aussi sur Flickr ou sur sa boutique en ligne.
22 réflexions sur “La piscine”
Ce billet, que j’ai lu du début à la fin, est tout simplement génial! Tu réussis à retranscrire de manière claire et précise tout ce qu’il se passe effectivement dans ces chers vestiaires féminins!
Bravo!
Mel
aïe, les rivalités féminines! trop drôle… mais c’est tellement vrai. J’ai beaucoup aimé le coup de la cellulite bloblotante que je n’avais jamais vu sous cet angle. Point de vue enrichissant…
C’est tellement bien écrit. Merci.
Excellent ! Et instructif : moi qui me désespère des vestiaires du studio de danse (que je partage avec toute une tripotée de donzelles de moins de 20 ans, hahem), je devrais tester la piscine, histoire de me sentir plus « normale ».
Ton article du jour m’a vraiment, mais vraiment, beaucoup plu. Félicitations !
Et oui, « on » voudrait bien savoir comment faire sur les plages de nudistes … :clin
Je me lance enfin.
Voilà déjà un petit bout de temps que je fais parti de ces lectrices de blog qui deumeurent en silence. Pour moi, ton chez toi est une oeuvre d’art qu’on doit simplement admirer. Mais le lien » Poster un commentaire » me titille depuis un bout bout de temps.
Tout d’abord, je tiens a te dire, merci. Tu apportes beaucoup en postant tes articles. Tu me fais découvrir de nouvelles choses, de nouveaux photographes, de nouvelles applictions pour iphone (camerabag <3) et bien d’autres encores. Tu manis les mots à merveille. Bon d’accord tu es écrivain mais n’empêche que parfois certain auteur écrive mal. Voilà, c’était tout je crois.
Du haut de mes 15 ans, je suis contente d’avoir dans mes blog références le tiens parmis quelques autres en tête de liste.
Je te souhaite une agréable journée.
A bientot !
J’ai trouvé ton billet très drôle !
Les vestiaires de la piscine où je vais parfois sont individuels, mais les vestiaires de danse, non. J’ai du mal aussi avec tout cet étalage de nudité et je deviens pudique ! Mais ce que je constate c’est que dans les vestiaires de danse, il y a vachement moins de cellulite qu’ailleurs !!
Je suis une novice de l’aquagym depuis quelques mois également. En revanche c’est dans une piscine donc point de vestiaire perso, et point d’allées et venues dénudées, vu que les hommes sont parmi nous …
En revanche, j’ai remarqué les coups d’oeils entre chacune aussi, à voir celle qui aura la plus belle silhouette en maillot ou la plus tartignole avec le bonnet …
J’ai beaucoup aimé ton billet :)
Bises
Fréquentant depuis plusieurs années les salles de sports je compléterais par :
– celles qui font beaucoup de bruit effectivement mais qui sont là chez elles et qui commentent les cours donnés par les profs qu’elles appellent par leur prénom comme si c’était leur pote. A vivre en vrai c’est très drole
– celles chez qui on recherche la fausse poitrine : pour le coup j’avoue avoir posé longuement mon regar au risque de préter également à confusion… Et bien oui ça m’intéressait vivement de savoir où se positionnent suivant les cas les cicatrices
– celle qui passe 3 h devant la glace à ajuster son mini short-jeterentrededanslesfesses qui au premier mouvement si par hasard elle est là pour faire du sport devra forcément être réajuster…
Oui depuis fort longtemps les vestiaires sont un vrai spectacle pour moi :-)
C’est tellement vrai, et tellement bien écrit, tout ça!
je vis à peu près la même chose dans les vestiaires de a gym, et après avoir passé 16 ans dans les vestiaires d’écoles de danse, je vois tout à fait de quoi tu veux parler!
Anne-So ce billet est une merveille de drôlerie sociologique!
Je ne fréquente pas les piscines (je fais un blocage sur le bouillon de culture :bof ), mais je fréquente les clubs de sport. Et ce que tu décris est tellement vrai!
Comment vais-je faire ce soir pour ne pas rire en entrant dans le vestiaire de mon club de gym, hein, comment?
Et moi aussi je veux tes explications sur la plage de nudistes :rit
Je dois être une extra-terrestre ou alors totalement dans mon monde lorsque j’y vais, mais en piscines municipales, je n’ai pas le sentiment de tout ça. :p
Comme toi, la sociologie de piscine me paraît bien être l’aspect le plus fascinant de l’exercice.
J’aime beaucoup ce billet.
J’adore ton billet – il est tellement vrai ! pour moi il me rappelle mes souvenirs de vestiaires des salles de gym –
je déteste les vestiaires des salles de gym et leur côté exhib, et pourtant je ne suis pas particulièrement pudique j’enfile ou retire mon maillot de bain sur une plage sans m’entortiller dans une serviette simplement assise dessus -mais après réflexion je dois dire que c’est l’ambiance des salles de gym que je n’aime pas – quant à la piscine – je parle de la municipale, je n’aime pas trop y aller côté bouillon de culture mais il y a des vestiaires individuels alors ca passe ! par contre j’adore le hamam j’y vais avec une copine où je passe des heures à discuter et je ne ressens pas du tout ce que tu décris si bien
j’ai adoré ce billet admirablement bien ecrit… bon l’aguagym (ou la gym tout court) je devrais m’y mettre aussi mais si seulement j’avais plus de temps!.. (ou si j’en trouvais plus…)
je suis une grande refractaire au montrage du cuissot … donc tu as bien resumé la situation…en tous cas bravo, c’etait un delice de te lire!bises
Très belle analyse d’un vestiaire de femmes à la piscine sourit
Je trouve aussi qu’en vieillissant, une femme est plus charmante avec quelques rondeurs que toute maigre… Faudra que je m’en souviens le moment venu ;-)
Très amusante ton analyse sociologique des vestiaires féminins. Moi ce que j’observe dans ces cas-là, c’est surtout la prof et il faut qu’elle ait un corps au-dessus de la moyenne sinon je me décourage en me disant que si elle fait ça tout le temps et n’arrive pas à mieux, ce n’est même pas la peine…
J’ai peut être trouvé la réponse à ma question : » pourquoi je ne vais jamais à la piscine? »
Un billet très bien écrit. je m’imagine déjà avec toutes ces femmes en train de me batailler avec mon bonnet.
Superbe billet!!!! Pendant que je le isais, des images passaient devant mes yeux, j’imaginais, j’entendais les bruits discrets des vestiaires, bravo!
Les rares fois où j’y vais, je m’enferme dans une cabine, pas trop confiance en moi, je me sens plus à l’abri..Ah les filles!!!
Bizarrement la piscine est le seul et unique sport que « j’aime », pourtant l’idée ne parait pas vraiment réjouissante… Ton portrait de la vie à la piscine est tellement vrai ^^ Et puis trèss belle photo d’illustration, Jena fait des polaroids magnifiques, je lui avis consacré un article.
J’ai une petite question, où fais-tu ces cours? Et à quelles heures ont lieu ces cours? J’aimerai bien faire de l’aqua gym, mais je n’ai jamais trouvé une piscine avec des horaires qui me conviennent.
Quel joli texte ! Vraiment bravo !!!
Superbe plume, j’ai dévoré cet article tellement vrai tellement fifille tellement comme j’aime !
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